Prise de position du GENEPI sur l'obligation d'activité



Position du GENEPI sur l'obligation d'activité introduite à l'article 27 de la loi du
24 novembre 2009 : une solution dangereuse à un vrai problème



Le chapitre 3 de la loi pénitentiaire, intitulé « Dispositions relatives aux droits et aux
devoirs des personnes détenues » contient une seconde section nommée « De l’obligation
d’activité », constituée par les articles 27, 28 et 29. Ces trois articles portent respectivement
sur la substance de l’obligation d’activité, sur la possibilité d’activités mixtes ainsi que sur
la consultation par l’administration pénitentiaire des personnes incarcérées sur les
activités proposées.
L’article 27 introduit cette obligation d’activité en ces termes :
« Toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée
par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation dès
lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son
handicap et à sa personnalité.
Lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l'activité consiste
par priorité en l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Lorsqu'elle ne maîtrise pas la
langue française, l'activité consiste par priorité en son apprentissage. L'organisation des
apprentissages est aménagée lorsqu'elle exerce une activité de travail. »
De l’obligation d’activité à l’obligation d’offre d’activité
Le GENEPI s’oppose à la conception de la réinsertion qui se dégage de
l’obligation d’activité. En effet, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 énonce à son
article premier la « nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin
de lui permettre de mener une vie responsable ». Or, comme le rappelle le rapport d’activité
2009 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « la vie responsable […] est bien
celle qui consiste à décider soi-même des orientations qu’on entend donner à son existence et des
modalités d’y parvenir. » Le GENEPI affirme que la réinsertion ne peut pas – et ne doit pas
– être le fruit d’une obligation, et qu’une telle mesure est en fait contraire au but qu’elle
se propose.
Le GENEPI rappelle qu’il s’est à de nombreuses reprises exprimé sur le fait qu’en
détention, l’inactivité ainsi que la dépossession de la gestion du temps subies par les
personnes incarcérées constituent un frein à la réinsertion de celles-ci lorsque le temps
de la peine touche à son terme. En ce sens, le GENEPI voit favorablement les initiatives
visant, selon la lettre de la RPE 50, à faire en sorte que « le régime prévu pour tous les détenus
doit offrir un programme d’activités équilibré. Ce régime doit permettre à tous les détenus de passer
chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de
contacts humains et sociaux ». L’accroissement de l’offre d’activité en détention est donc
un horizon que le GENEPI appelle de ses voeux.
La question des activités en détention se pose donc avant tout en termes d’offre.
C’est vers l’augmentation du nombre et de la diversité des activités que doit tendre l’effort
public. Omniprésente dans les débats parlementaires, l’idée d’une obligation symétrique à
l’obligation d’activité, imposant à l’administration pénitentiaire de proposer un nombre
minimum d’activités n’a pas été sanctionnée de manière satisfaisante. Le GENEPI
demande que cette obligation positive soit affirmée par les décrets d’application.
L’obligation d’activité en pratique : un outil malheureux de management carcéral
Concernant la gestion au quotidien de l’obligation d’activité, le GENEPI s’interroge
sur les conditions de répartition des activités au sein de la population carcérale. En
particulier, le GENEPI s’inquiète de l’emploi de la notion de « personnalité » comme
critère pertinent dans l’affectation d’un individu à un type d’activité. Si la prise en
compte des besoins et des spécificités de chaque individu est souhaitable, cette dernière ne
doit en aucun cas se transformer en procédé de tri entre détenus méritants et non
méritants. Le GENEPI affirme la nécessité que toutes les personnes incarcérées
bénéficient d’un égal accès aux activités proposées. En maison d’arrêt, cette exigence
implique une égalité de l’offre adressée aux prévenus et aux condamnés, même si
l’obligation d’activité telle que formulée dans la loi pénitentiaire ne concernent que ces
derniers.
Concernant les types d’activités concernées par l’obligation d’activité, l’idée selon
laquelle les activités scolaires, culturelles, sportives, professionnelles et de loisir en
détention constituent un tremplin vers la réinsertion, ne saurait être démentie.
L’obligation d’activité mise en place par la loi pénitentiaire entend couvrir un vaste
domaine. Le rapport sur le projet de loi pénitentiaire réalisé par Jean-Paul Garraud précise
que «ces activités à visée de réinsertion pourront être de plusieurs ordres : enseignement, formation
professionnelle, travail, suivi d’un programme de prévention de la récidive, activité culturelle ».
Le GENEPI souhaite par ailleurs réaffirmer un certain nombre de ses positions sur
le travail en détention, étant donné que l'obligation d'activité comprend l'activité
professionnelle. L'association ne peut que déplorer le fait que les droits que reconnaît la
société à chaque travailleur ne soient reconnus aux personnes incarcérées qui
exerceraient une activité professionnelle durant leur peine, et que le droit commun n'ait
toujours pas sa place en détention. Il est à regretter que ces mêmes droits soient
convertis, dans la loi pénitentiaire, en une obligation. L'exercice d'une activité, quelle
qu'elle soit, et les bienfaits qu'elle peut constituer en terme de réinsertion sont, aux yeux de
l'association, une réalité radicalement différente de celle introduite par l'obligation
d'activité. Le GENEPI rappelle que considérer l'effectivité du droit du travail en
détention comme un privilège est une méprise. Il est très improbable que des activités, et
notamment des activités professionnelles très peu qualifiées et obligatoires puissent
permettre aux personnes incarcérées de se servir de ces activités comme marchepied vers
la réintégration dans la société. Lorsque le statut de travailleur incarcéré est en de
nombreux points bien en deçà des normes et droits grâce auxquels une société définit le
travail décent, ces effets sont radicalement compromis. Quel sens pourrait prendre, dans le
parcours d'un individu vers sa réinsertion sociale, une activité professionnelle dont il
serait interdit de se soustraire, et qui ne donnerait accès qu'à des droits de seconde zone ?
De plus, le GENEPI tient à affirmer sa vigilance quant à la mention des « programmes
de prévention de la récidive » dans la description des activités qui pourraient être
rendues obligatoires. Le fait que la « prévention de la récidive » soit couramment associée à
l’idée de suivi psychologique voire psychiatrique, par l’intermédiaire de la notion de
« dangerosité », pourrait signifier le glissement d’une obligation d’activité à une obligation
de soin qui se trouverait du même cou intégrée au parcours d’exécution de peine, portant
ainsi gravement atteinte à la déontologie médicale.
Enfin, le GENEPI s’inquiète de la mention « sous réserve du maintien du bon
ordre et de la sécurité de l’établissement », aux articles 28 et 29. Afin d’éviter toute forme
d’arbitraire et de pouvoir discrétionnaire de l’administration pénitentiaire, il est
indispensable que les personnes incarcérées disposent de droit de recours effectifs
concernant l’offre d’activité, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de l’obligation
d’activité. Le caractère facultatif de la consultation des personnes incarcérées en ce qui
concerne la définition de l’offre d’activité, ainsi que l’incertitude quant à l’instance juge de
l'adaptation des activités proposées à la « finalité de réinsertion », ainsi qu'à « l'âge, les
capacités, le handicap et la personnalité » du détenu sont autant d'éléments révélateurs de
cette dangereuse ambiguïté.
Ainsi, le GENEPI affirme que le problème de l’inactivité désocialisante de la vie
carcérale tient avant tout à un manque d’offre, et non à une absence de demande. Les
longues listes d’attentes à l’ensemble des activités qu’il propose en témoignent assez.
Ces remarques ne constituent pas des critiques éparses de l’obligation d’activité.
Elles se placent dans une perspective selon laquelle, dans son principe comme dans ce que
le texte peut laisser craindre de son application, l’obligation d’activité telle qu’elle apparait
dans la loi pénitentiaire, apparait n'être qu'un dangereux outil de gestion de la population
carcérale et de management pénitentiaire. Le GENEPI estime que, dans l’état, elle est
susceptible de compromettre l’objectif de réinsertion ainsi que de mettre en péril
l’effort de décloisonnement de la prison en apportant une réponse hypocrite et
dangereuse à un vrai problème.
L’obligation d’activité et la démarche du GENEPI dans les établissements pénitentiaires.
Le GENEPI, dont l’action est basée sur le volontariat des personnes ainsi que sur
la rencontre entre le monde carcéral et le monde étudiant s’oppose radicalement à ce
que les activités qu’il met en place ne tombent sous le coup de l’obligation d’activité.
Se voulant acteur du décloisonnement des établissements pénitentiaires, le
GENEPI souhaite y recréer les conditions d’une rencontre libre entre bénévoles et
personnes incarcérées. En ce sens, le GENEPI considère comme indissociables le
contenu des activités qu’il propose et les conditions dans lesquelles ces activités se
déroulent. Toutes deux contribuent à l’ouverture des établissements pénitentiaires sur
le monde extérieur.
Si l’action du GENEPI devait tomber sous le coup de l’obligation d’activité, le
principe même de ses actions en détention serait gravement compromis. Le GENEPI
mettrait alors fin à ses interventions.